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A l’occasion de notre Congrès annuel, nous avons eu le bonheur d’accueillir le Professeur Ovide Fontaine, médecin, spécialisé en psychiatrie et professeur honoraire à l’université de Liège en Belgique. Il est l’un des pionniers des TCC en Europe francophone. Il a été également fondateur en 1973, de l’association belge pour l’Etude, la Modification et la Thérapie du Comportement et président de l’association européenne pour les TCC. Ovide Fontaine Psychiâtre Comportementaliste .Fondateur de l’association belge francophone de TCC. Professeur ordinaire honoraire de l’université de Liège. Ex chef de service de psychologie clinique. Ex président de l’ EABCT .

 Olive Fontaine

Environ 150 articles et chapitres d’ouvrages, auteur et co-auteur de 6 ouvrages sur les TCC dont le dernier  » Guide clinique de thérapie comportementale et cognitive « 

 

 

Q1 : Vous avez créé en 1973 l’association belge pour l’Etude, la Modification et la Thérapie du Comportement. Pouvez-vous nous parler de cette association et de son rôle ?

 

R : Nous fêtons son 40eme anniversaire cette année ! Il s’agissait au départ de faire connaître les TCC dans une francophonie belge entièrement orientée vers le père Freud . Ensuite, nous avons donné ,pendant 10 ans , des journées de formation non « reconnues » par les pouvoirs publics .Enfin les universités ont officiellement reconnu et intégré ce 3eme cycle . Croyez moi :ce ne fut pas sans peine.

Aujourd’hui nous sommes 270 pour 4 millions de francophones belges . La majorité sont des psychologues .Nos psychiâtres s’orientent plus vers la psychiâtrie biologique et/ou vers un pseudo freudisme essentiellement basé sur des lectures .Mais cette situation évolue . Il faut dire que les psychiâtres neerlandophones sont très majoritairement TCC . Le freudisme n’existe pratiquement plus en Flandre.

 

 

Q2 : Vous êtes médecin, spécialisé en psychiatrie. Pouvez vous nous expliquer ce qui vous a amené vers les TCC et vers la MC ?

 

R : Je dirais :les hasards de la vie .Etudiant en médecine ,j’avais été séduit par un cours sur la pharmacologie naissante du système nerveux central !! J’ai demandé à ce professeur de pouvoir travailler dans son laboratoire comme élève-assistant dans ce domaine. Il m’a orienté vers un de ses collaborateurs…..qui était psychologue . Le futur professeur Marc Richelle venait ,après un séjour de 2 ans aux USA à l’université de Harvard dans le service de Skinner ,d’installer un laboratoire « behavioriste » animal . J’allais découvrir les théories de l’apprentissage,les travaux de Wolpe ,ceux de Neal Miller avec qui j’ai eu le plaisir de travailler aux USA sur la médecine comportementale naissante et ce qui allait devenir la technique du Biofeedback.

 

 

Q3 : En tant que médecin psychiatre, quel lien faites vous entre médecine comportementale et médecine psychiatrique ?

 

R : La médecine psychiatrique a adopté le modèle médical basé sur le principe général « Toute maladie est une maladie d’un organe » d’ou le nom « médecine organique « .Ce modèle a permis des progrès remarquables dans tous les domaines de la médecine….sauf en psychiâtrie .Bien sur une infection cérébrale,une tumeur , une atteinte vasculaire…….répondent à ce modèle . Mais dès qu’il s’agit d’une phobie, d’une dépression cela ne marche plus ! Freud a bien tenté de rejoindre ce modèle en créant une sorte de cerveau « virtuel » constitué du Ca ,du Moi et du Surmoi auquel il appliquait son système analytique mais ,il faut définitivement l’affirmer, sans succès !

Peut être un jour la psychiâtrie biologique ,qui utilise , faut il le rappeler ,ce modèle médical arrivera a mieux cerner le fonctionnement de l’organe cerveau .J’y crois et je l’espère mais cela ne supprimera pas l’action psychologique , la médecine comportementale .

 

 

 

Q4 : Quel est le statut de la Médecine comportementale en Belgique ?

 

R : Pas meilleur qu’en France !Il existe bien quelques centres de la douleur,quelques cliniques du stress…. mais peut on appeler cela un statut ? J’en profite pour remercier les organicistes qui font appel a des comportementalistes . Mais ils sont hélas peu nombreux .

 

 

Q5: Contrairement aux TCC, la Médecine Comportementale en tant qu’approche globale et pluridisciplinaire d’analyse et d’évolution des comportements pour améliorer sa santé est encore peu (re)connue et peu développée en France. Comment expliquez-vous cela ?

 

R : La raison principale pour moi est l’absence d’une information structurée sur les possibilités de la MC durant les études médicales . N’oublions pas que le « cerveau » du futur médecin est imprégné du modèle médical . Les contacts qu’il a avec la psychiâtrie sont le plus souvent soit de type analytique ,soit psychiâtrie biologique . Et si on lui parle de notre approche ,ce sera sur les thèmes TCC principalement .

Votre initiative de créer l’AMC me paraît dans cette perspective capitale :enfin un projet pour se former à la médecine comportementale et des gens de terrain capables de le faire !!

 

 

Q6 : Vous avez travaillé aux Etats-Unis. Selon vous, les américains ont-ils la même approche de la MC que les européens ?

 

R : Sur le fond bien sur . Ceci dit,je pense qu’ils vivent un peu le même problème que nous .

L’AABT ne fait pas une place très grande à la MC . ils ont donc crée une association de MC indépendante similaire à ce que vous venez de faire en France en créant l’AMC .

A noter pour une réflexion future le fait que le staff directeur de cette association américaine est à plus de 90% constitué par des psychologues .

 

Q7 : L’AMC est une association qui regroupe des praticiens et qui a pour objectif de développer les échanges entre praticiens de tous horizons, entre patients et entre patients et praticiens. Notre objectif est donc de faire travailler, ensemble, patients et praticiens (en particulier dans le cadre d’ateliers, comme ceux organisés aujourd’hui).

Pour l’AMC, le rôle du patient en Médecine Comportementale est essentiel : il est qualifié de patient expert et de patient partenaire. Son rôle est de témoigner de son expérience en termes de symptôme et de prise en charge, de critiquer la prise charge comportementale qui lui a été proposée, de collaborer à la prise en charge adaptative des personnes initiant leur parcours de MC et de contribuer activement à l’amélioration des programmes de MC.

Que pensez-vous de cette approche ? Est-il réaliste de proposer à des patients de collaborer à faire évoluer une pratique thérapeutique ?

 

R : Le comportementalisme a toujours insisté sur le « contrat » thérapeutique qui implique l’intervention active du patient dans l’action . Amener le patient à participer à nos réunions scientifiques me paraît une extension favorable de ce principe de base.

 

Q8 : Quel est l’état des échanges réguliers avec des praticiens francophones dans le domaine de la MC ?

 

R : Je crains que ceux ci soient plus anecdotiques que structurés !

 

 

Q9 : Le Président de l’AMC pense que la médecine comportementale est l’avenir de la médecine générale. Partagez vous ce point de vue ?

 

R : Je crois comme lui que le médecin généraliste devrait être plus impliqué dans le traitement des pathologies qu’aborde la MC . Cette compétence devrait se trouver dans sa « trousse » médicale du moins pour certaines pathologies . Ceci n’exclut pas les approches multidisciplinaires parfois nécessaires selon le type de pathologie .

Ceci dit c’est une vaste entreprise qui se présente : convaincre les professeurs de médecine organique d’associer à leurs cours un chapitre de MC , convaincre les généralistes de pratiquer (conviction scientifique plus aspects financiers ) etc… L’AMC que vous venez de créer est un bon outil pour aborder ces problèmes ,j’en suis convaincu.